Préface
Qui sont-Elles ? Qui est-Elle ? Cette question court au fil des pages du nouveau recueil d'Anne-Marie Dutilh. Une question lancinante, troublante, exaltante... Que recouvre donc ce "féminin pluriel sur les sanguines d'un été extasié" ?
Dès les premières lignes de ce récit quelque peu déroutant, le lecteur pressent le poids d'une histoire singulière, la plaie toujours à vif d'une douleur originaire. Il veut savoir ce qui fut là au commencement des mots, démêler l'écheveau d'un vécu souterrain, trouver la clef qui ouvre la porte du sens.
Faut-il pourtant, par d'indiscrètes recherches biographiques, donner raison au texte et dévoiler le mystère qui l'enveloppe ? L'ignorance n'est-elle pas ici la condition du charme qui opère ? Trop de savoir tue le sens et la raison est un piège pour qui chemine en poésie. Il convient au contraire d'aborder la lecture avec une âme nue et ingénue, sans repère et libre de tout a priori car..."c'est alors que commence l'errance, l'éblouissante traversée à travers les souvenirs de larmes brûlantes et de sourires brûlés"...
Souvenirs d'une enfance lointaine, perdue, "presque inexistée"..., exaltée dans "un jardin sacré, né au plus profond du coeur, un jardin pour une petie fille, pour une petite soeur"...
Souvenirs d'horizons flamboyants, de crépuscules tamisés, de silences désespérés, de chemins tracés à deux, des "mêmes pas à sonner ensembles"...
Souvenir sublime de l'Autre qu' Elle incarne : personnage mythique, déesse auréolée de ses désirs, posée là, "telle une enfant enroulée dans son péplum de lumière, telle une enfant en prière"...
Elle au fil de la plume. Elle au fil des mots... Elle... toujours en filigrane de cet hymne à l'amour que nous offre l'auteur, avec un authentique don de soi dans l'écriture, une sensibilité exacerbée, un imaginaire débordant.
"La jeunesse passe, le crépuscule épars sur son sourire. La vie exilée de son rêve, n'est qu'un morne voyage." (Mo Yun-Suk)
Ce recueil d'Anne-Marie Dutilh est une invitation au voyage. Entrez dans cette histoire et donnez vous, comme moi, le plaisir trouble de vous y perdre...
Jean-Pierre GATÉ
Pensionnaire de La Taverne Aux Poètes