LA FEMME CHAUVE
Ce matin est un matin comme les autres matins. Enfin pas tout à fait. Depuis l'automne, quand l'aiguille diabolique s'était plantée, insidieusement, dans sa poitrine rien ne devait plus ressembler à rien. Surtout pas au passé. Et pourtant elle cheminait avec ce passager cloîtré sans complexe dans son corsage et sa horde de remèdes de haute voltige prédiquant une hypothétique guérison . Ce matin là, comme les autres matins elle glissa ses longs doigts raidis et ridés par les années défilées, dans sa chevelure un peu blonde, un peu grise, blond-grisé peut-être. Et même si elle savait son avenir. Si elle était préparée à cette inéluctable séparation. Si elle l'attendait même avec une particulière attention, était-elle réellement prête à se soumettre de front à cette nouvelle physionomie, qu'elle découvrirait à travers le tain d'un miroir. Crâne déserté, glabre, nu, comme le crâne d'un enfant nouveau né. A peine une brève réflexion, la décision était prise, demain elle serait la femme chauve. Sans tristesse, sans angoisse, sans ombre, sans soleil, elle ferait tondre sa toison protectrice et découvrirait sa tête nue qu'elle coifferait d'un chapeau de feutre noir pour protéger sa matière grise des morsures de hiver, en attendant un nouveau printemps.
C'est une évidence le printemps revient toujours après l'hiver.
Anne-Marie Dutilh
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