PAGE DE VIE
Sur la page blanche de l'existence
Coule une versée de temps
Comme règne une lente percée de patience
Et l'impatience demeure
S'il me fallait ouvrir la phrase
Sur un grain de page différent
J'aimerais
Que ma page soit une vie
Claire et légère
Comme un ruban de lumière
Irréfléchie
Comme un jeu éclaboussé d'eau vive
Souveraine
Comme un long poème
Inespérée
Toujours inachevée
Lentement étirée à la coulée de l'encre
Vers l'impossible retenue du temps
Que la paupière lucide n'ose pas encore disperser
J'aimerais sur ma page
La versée d'un soi-même griffonnée à la plume du temps
Que le temps embellit au bandeau bleu des fronces de solitude
Lorsque se penche la sage lassitude
Comme une phrase de silence sangloté à la marge habituée du temps
Comme les fuseaux de feu sur le brasier de l'existence accoutumée
J'aimerais sur ma page
Blanche immensément blanche
Relire encore les mêmes mots suaves
Ces mots qui troublent l'enfance de la vie
Ces mots tendres devenus différents sur la page du temps
Ces mots découragés ou ignorés au berceau des secrètes pensées
Mais sur ma page s'écrit une nouvelle
Comme un poème presque irréel
Une bercée de vie sur les eaux calmes et profondes
Du repos mérité et du temps d'aimer
Lentement chuchoté
Comme se chuchote le silence à la pressée du temps inavoué
Mais le temps n'est qu'un silence sur la page lorsque s'allonge la phrase
Un essentiel secret et impalpable
Une patience impatiente
Comme une amante bien aimée
Une voix perpétuée à l'encre bleue des tendresses
Une arrachée à la foulée du temps passé à l'imparfait
Mais il est tard sur le temps et je tourne ma page à l'angle du silence
Comme une phrase croisée de hasard et d'ombres éphémères sur la lumière du temps qui nous amarre.
Anne-Marie Dutilh
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